Bali : ses sourires, ses offrandes et ses odeurs enivrantes

 

On la dit envoûtante, bénéfique au bien-être, cette île d'appartenance aux Dieux, aurait été prêtée jadis aux hommes, dans le seul but d'en prendre soin et d'y maintenir l'équilibre. Aujourd'hui première île visitée en Indonésie, elle se doit de rester unique et sacrée, malgré le flux important de touristes qui en font une destination tant convoitée.

Trois ans.
Il m'aura fallu trois ans pour pouvoir enfin poser des mots, raconter, laisser filer le temps pour en apprécier l'émanation, prolonger ce voyage, qui, après coup, se révèle être l'un des plus beaux de ma vie.

Comment décrire par de simples mots ce que l'on ressent en voyageant en Asie ? Je vais tenter de vous faire voyager, de vous faire vivre mon voyage comme je l'ai vécu, mais surtout ressenti.
Mettre des mots sur la complexité d'un voyage à Bali, sur une contradiction née d'un désir de partager.

On la voudrait secrète, plus réservée, mais la belle Bali est devenue au fil des années une île (trop) touristique, avec ses bons et ses mauvais côtés.
D'où la première difficulté pour moi d'en parler ici. Montrer de jolies photos d'une île, d'un mode de vie, faire rêver avec la douceur des mots et différents ressentis de ce voyage incroyable. Ne montrer que le beau, sans parler de la vraie réalité des choses serait aujourd'hui une pale façade qui consisterait à dégrader un peu plus l'image de cette île, à l'origine si paisible et authentique.
Se pose souvent ici un questionnement sur le fait de parler et raconter un voyage, d'en faire insidieusement la promotion, quand on voudrait aussi le protéger du tourisme de masse et de ses dérives, alors je me confronte souvent à de nombreux sentiments, à de nombreuses contradictions, pourquoi telle destination plutôt qu'une autre ? La peur de dégrader un peu plus ces paysages en donnant envie à d'autres d'y aller, comment présenter une destination en prônant un tourisme responsable ? Plions-nous à l'exercice, et voyageons en terre hindouiste intelligemment, en respectant les valeurs du pays et en s'oubliant un peu, pour que la magie opère encore des années durant.

Bali la touristique

D'une authenticité absolue, on comprend l'engouement des touristes venant chercher ici la paix intérieure, et découvrir un mode de vie aux antipodes du nôtre. Entourés d'îles musulmanes, Bali est la seule île d'Indonésie majoritairement hindouiste. Après avoir lu Mange, Prie, Aime, on rêve d'une retraite spirituelle, d'un rendez-vous secret avec un guérisseur balinais...

La première chose frappante en arrivant sur l'île (outre sa circulation hilarante) est certainement le nombre de bâtiments, fast-foods, enseignes commerciales jonchant les trottoirs, au milieu de milliers de câbles, force est de constater que le tourisme a poussé le consumérisme jusqu'aux portes des villes du Sud de l'île. Paysages se dégradant à mesure que le tourisme piétine ces terres. Le traitement des déchets, qui consiste ici à ce qu'on les collecte pour mieux les déverser en rivière ou en forêt, le plastique qui s'amoncelle et la consommation d'eau due aux nombreux complexes hôteliers qui poussent ici comme des champignons.

Il est difficile d'aimer Bali sans se sentir concerné par tous les problèmes liés à l'environnement, mais aussi au respect de ses habitants et de sa religion... et l'on a l'impression en débarquant ici, dans le sud, que bien des gens censés l'ont oublié, venant d'Australie et d'ailleurs dans le monde, pour un week-end ou un séjour, faire la fiesta, faire les beaux sur la plage, pratiquer le surf et boire des Bintang à outrance... faisant de Bali une station balnéaire outre-mesure.

Peut-être que ma difficulté à écrire sur le sujet vient de là, de la beauté d'une île, qui s'efface à mesure que le tourisme progresse. Personnellement, je ne voyage pas pour les mêmes raisons, faire la fête à l'autre bout du monde n'est pas mon but dans la vie, je voyage pour comprendre, voir le monde tel qu'il est, j'essaie de respecter au maximum les religions, de comprendre les différents modes de vie des populations, de vivre avec eux, à leur manière, en essayant de m'intégrer aussi bien que je puisse le faire. Mais il est parfois déboussolant de voir à quel point l'être humain, celui vivant dans notre monde moderne, s'octroie la possibilité d'être le roi partout où il veut l'être... d'arriver tout conquérant dans un pays pour y faire ce que bon lui semble, ce qui souvent signifie faire la même chose que chez lui, mais pour moins cher.

En me documentant avant mon départ, je lisais régulièrement que les balinais étaient de natures pudiques, qu'ils étaient gênés assez facilement, et qu'ils se baignaient le plus souvent habillés. Qu'il était bon de respecter quelques principes de bases, en évitant de se trimballer à tort et à travers en maillot de bain ou en petite tenue... Or, la première chose que vous verrez en arrivant dans le sud, ce sont des jeunes surfeurs, baladant en scooter ou faisant leurs emplettes à tout va, torses nus dans les rues... si cela est déconcertant pour moi, je vous laisse imaginer pour un balinais...

Commencer ce voyage par le sud de l'île (le plus touristique), pour moi petite voyageuse novice, a été un coup de fouet, cela m'a ouvert les yeux, progressivement, et chaque voyage me permet désormais d'évoluer, de penser autrement, mais surtout de voyager autrement. D'apporter ma pierre à l'édifice, en ne me disant pas que je vais arrêter d'aller dans des lieux touristiques pour des lieux moins touristiques, mais justement, d'être confrontée au pire comme au meilleur, pour pouvoir ainsi ouvrir les yeux sur ce que nous sommes, sur ce que nous représentons, et la raison pour laquelle nous voyageons. Cela aide à comprendre finalement.

Bali est une île paradoxale, et si le sud de l'île est totalement biaisé par le tourisme de masse, il faut parcourir ses terres à la rencontre de sa population, de ses rites, pour enfin comprendre.

BALI l'authentique

Comprendre qu'il s'y cache tout autre chose, un autre monde, le Bali des balinais, le vrai, le pur.

Les fleurs de Frangipani qui se mêlent à l'encens, rassemblées dans des feuilles de palmiers, qui sont confectionnées avec précision en offrandes aux Dieux ou aux démons me rappellent finalement ce pour quoi je suis venue ici. Cette odeur si particulière, à chaque coin de rue, devant chaque temple, chaque maison, apaise véritablement les esprits.

On assiste chaque jour en spectateurs, à toutes sortes de rituels auxquels s'adonnent les balinais, comme un quotidien soigneusement rodé.
Sous leurs sarongs joliment portés, hommes et femmes paradent élégamment ainsi plusieurs fois par jour, honorer les Dieux fait partie intégrante des us et coutumes que la population perpétuent à travers les âges et les générations, la vie à la balinaise est ponctuée de danses, de peintures, de musiques et de célébrations.

Traverser Bali sans en distinguer le sens, la culture, l'artistique serait une ignominie. Une fois que l'on s'est échappé de ce carcan infernal qui n'est absolument pas représentatif de ce qu'est Bali, une fois bien enfoncé dans les terres, on se laisse gentiment envoûter par le précepte de la vie.

BALI LA FASCINANTE

Les sourires y sont plus purs, les discours plus authentiques, le bahasa indonesia, dialecte officiel, est ici plus courant que l'anglais qui se pratique couramment sur les plages endiablées du Sud. On nous comprend difficilement lorsque l'on cherche son chemin, mais l'on souhaite tout de même nous aider, toujours. (quitte à nous indiquer n'importe quoi, juste pour nous aider)

À bien y chercher, en se perdant dans des villages reculés, on retrouve tout le sens d'un voyage à Bali, on retrouve tous les trésors enfouis que cachent cette petite île, dont on en avait presque oublié les richesses culturelles.

Pas à pas, on entame un voyage en quête de spiritualité, il suffit d'ouvrir les yeux, de communiquer avec ces gens, pour comprendre toute l'importance des traditions, leur philosophie de vie me touche au plus profond de moi, ces gens vivent au présent, ne se soucient guère du lendemain et n'ont pas peur de la mort.
La mort est joyeuse, on en rigole même, et l'on vit plusieurs vies dans la même vie, et de toute manière peu importe puisque l'on se réincarnera ensuite.

De warungs en petites gargotes, on expérimente les versions non épicées des mie gorengs, nasi gorengs, et autres poulets satay, on se délecte de délicieux banana pancakes, et l'on se hasarde à déguster des fruits méconnus, du durian au mangoustan, les mets y sont préparés avec générosité, toujours. Et de la plus petite adresse à la plus courue, on retrouve ce sens artistique qui anime les balinais.
Il y a de la couleurs partout, des murs au sol, des objets d'art, des décorations qui attirent l’œil, sans cesse.

Se promener à Bali est une découverte des sens. On nourrit son âme de saveurs relevées, de notes olfactives qui ambiancent notre voyage, avec subtilité. Les bâtons d'encens brûlent et s'entremêlent aux fleurs de frangipani, à l'acidité des fruits, douce chorégraphie enchantée de fumées singulières, dont on rêverait d'emporter les effluves pour se les remémorer, toujours.

Le sourire et la gentillesse infinie des balinais, sont la force de cette île envoûtante, son art de vivre multiplié par son cadre de vie, offrent aux voyageurs une diversité d'un paradis qui reste aujourd'hui à préserver.

Il ne coûte rien d'être à l'écoute de la population, d'avoir les yeux et le cœur ouverts à la découverte, leur générosité sans faille ne cessera de vous éblouir, c'est là que le voyage prend alors toute sa signification.

Le voyage du cœur, celui qui émeut, la quiétude enivrante des lieux se trouve au-delà du superflu, il suffit de s'échapper, prendre des chemins de traverse, pour voir que la réalité a bien plus à nous apporter que ce monde façonné par notre modèle de consommation.

Bali l'authentique, la douce, l'enivrante, l'envoûtante existe toujours, et les balinais sont sûrs d'eux quand ils vous disent qu'ils habitent le plus bel endroit du monde, et on veut bien les croire, sinon pourquoi les touristes viendraient-ils aussi nombreux ?